jeudi 6 octobre 2011

Le chômage

Je me rends compte aujourd'hui que je n'ai jamais parlé dans ce blog de cette fabuleuse partie de ma vie qu'est le chômage. Pourtant il a déjà occupé une bonne partie de ma vie puisque sans avoir jamais travaillé (ou du moins gagné un mois à temps plein qui ne soit un stage ou contrat de professionnalisation), j'ai tout de même réussi a passer un an et un mois au chômage. Un an parce que j'étais diplômée 2011, que je cherchais dans la communication (pour les poètes ou ceux qui n'y connaissent rien = le secteur cadre le plus bouché), que j'avais fait deux stages pas très valorisés suite à des décisions anarchiques et des conseils ignorants (suffit de faire une école de commerce avec des parents fonctionnaires pour comprendre pourquoi tant de fils de médecins deviennent médecins, fils d'entrepreneurs deviennent patrons. Quand votre famille n'y connaît rien, elle peut vous donner des conseils imbéciles et vous soutenir dans des décisions débiles). Donc bardée d'un diplôme glorieux sans aucune spécialisation, un stage dans une minuscule boite en événementiel et un stage dans un journal en communication, j'étais bien équipée pour commencer... le chômage.

Après un an de recherche, trois entretiens en tout, je me suis décidée à me réorienter, passer un nouveau diplôme et faire comme tout le monde, un stage dans un grosse boite, qui donne bien sur le CV. En 2009, nous avons bien entendu, mes amis nouveaux diplômés /nouveau chercheurs d'emploi (ben oui je dis chômage mais faut pas charier on gagnait pas un rond, et le RSA cest pour les plus de 25ans, donc nos parents ont eu le bonheur de nous héberger, nourrir, et participer au remboursement du pret pour l'école.

Je n'ai jamais entendu personne parler de ce qu'on ressent lorsqu'on est au chômage. Parce que bien sur, comme dans les fictions, on se sent complètement inutile pour la société. Mais pas seulement.

Le chômage, pour les jeunes diplomés, c'est n'avoir pas d'avenir. J'ai l'air d'augmenter la vérité mais c'est vrai. On ne sait pas encore ce qu'on va devenir. Alors on ne peut même pas l'imaginer, il n'y a plus rien devant nous. On va à l'ANPE, et on sait qu'on est un déchet. On croise des gens à l'ANPE qui en échange d'aucune aide financière exigent des rendez vous une fois par mois pour... apprendre a faire un CV... et autres grandes découvertes de choses qu'on nous a bien appris cent fois. En fait, par l'ANPE on peut obtenir quelques avantages : une carte rose qui donne des réductions, des remboursements de transport, et même selon les régions des caartes de transport... Seulement il faut connaître toutes ces possibilités car les conseillers ne sont pas la pour les donner... il faut les réclamer!

Lorsqu'on est au chômage on ne peut faire aucun projet sur plus d'une semaine : impossible de s'inscrire dans un cour de sport/ de langue/ de musique, dans une association : on va changer de ville sous peu. Impossible de prévoir ses prochaines vacances : si on est toujours au chomage on n'aura pas les sous, si on a trouvé, on aura pas le temps. Impossible de prévoir de passer du temps par ci par la : et si on avait un entretien?

Lorsqu'on est au chômage, on fait aussi plein de projets : on va se mettre a la couture, au chinois, lire des livres d'art, aller dans des expos, tenir son blog... mais en fait c'est quand on a rien à faire que c'est le plus dur de s'y mettre... et on passe la journée dans son lit a regarder des séries et se dire qu'il faudrait postuler.

Lorsqu'on est au chômage, on postule, mais c'est à chaque fois très dur. D'abord, il faut sélectionner les offres. Au début, on est sélectif: "je veux travailler dans les cosmétiques de luxe", "je veux travailler dans les festivals culturels", "je veux être acheteur dans l'industrie aérospatiale" " je veux travailler au marketing des produits high tech". Puis on postule. six mois plus tard, on veut juste un emploi. Celui qui visait les cosmétiques attérira dans les assurances pour personnes agées, celui qui veut faire des festivals devra recommencer des études, le futur acheteur achètera des tuyaux et la marketeuse high tech travaille dans une banque. Mais avant de savoir qu'un jour ils s'en sortiront (parceque ça je n'en doute pas), ils doivent ouvrir leurs possibilités. Et ils sélectionnent des offres. Tout le monde se croit spécialement bête mais apparemment tout le monde fait pareil: on sélectionne les offres, et elles sont tellement déprimante qu'on n'y répond pas. On les stock dans un coin de son firefox jusqu'à ce qu'on se motive... tellement de jours plus tard qu'on pourra supprimer la moitié des offres. D'ailleurs quand on croise des non-chomeurs ils s'ettonnent : pourquoi tu ne postules pas? tu n'as pas tout a fait le profil, mais ça ne te coute rien! il faut combattre cette idée. Postuler, ça coute. Beaucoup. Ca coute un peu en huile de coude, mais ça on est dacc, on a pas besoin de l'économiser au chomage. Mais ça coute surtout énormément en espoir. En rêve. Chaque offre répondue c'est un peu d'espoir si on ne reçoit pas de réponse. Chaque offre, c'est un peu de rêve: on se projette toujours dans cet avenir où on aura ce boulot. Mais rien. En répondant à cette offre en inde, on rêve de fabuleux voyages. En répondant à cette offre chez Lancôme on rêve du mascara a rapporter chez soi, on rêve du quartier où on aura notre appart, de la déco qu'il aura, on rêve de tout. Quand on répond à une offre dans la semaine et qu'on n'a pas eu de réponse, on se dit que ce n'était qu'une offre. Mais quand on répond à 25 offre dans la semaine, on se dit que si personne ne nous a répondu c'est vraiment que personne ne veut de nous. Alors non, postuler, ça ne coute pas rien.

Le plus déprimant quand on est au chomage, c'est qu'on est seul. C'est surement pour ça qu'on est capable de manquer de dignité au point de rester seul enfermé chez soi... Il y a des jours ou si on ne sort pas, on ne parlera à personne... Et quand on parle, on ne peut pas se plaindre parce que sinon quelques imbéciles vous renvoient la balle : "je ne comprends pas que tu ne trouve pas. ça parait pas possible." "mon fils a fait un CAP, là au moins il n'y a pas de chômage". Alors il faut prendre le tout avec humour : on est en vacances indéterminées, on s'éclate. Quand on est avec ses amis qui eux ont un salaire, on fait quelques blagues sur le fait que nous on en a pas : ils se souviennent comme ca qu'on ne peut pas aller dans un restau cher.

En 2009, à la radio, j'ai entendu quelqu'un appeler la génération 2009 "génération sacrifiée". Depuis, le slogan a été repris. Je suis diplômée 2009. et je suppose que quand un mec a la radio se permet d'utiliser ce genre de slogan, il ne pense pas vraiment a tous les 2009 qui l'entendent alors qu'ils sont effectivement au chomage. Eh bien ce mec, je le hais. Parce que si certains ont décidé de nous sacrifier, merci de ne pas nous le dire, merci de ne pas nous en parler, merci de nous soutenir. Maintenant, je suis diplômée 2011. Et même s'il y a la crise, même si tout le cac 40 a déja fermé les écoutilles (gelé les emplois), je les emmerde les journalistes. On en a marre qu'on nous dise a la radio qu'on est mis de coté qu'on est éliminé, quon est jeté. En ce premier mois de recherche, j'ai déjà une impression de déjà vu. mais le premier qui fait des reflexions findumondiste sur la génération 2011... je l'explose.

Ce message est peut etre un peu pesant, surement un peu long, mais c'est surement pour le moment le seul message utile de mon blog:
aux chomeurs, je voulais dire une chose, dites vous qu'on est tous pareils. ne vous prenez pas la tête. ça va passer.
aux journalistes, arretez de nous emmerder en nous répétant qu'on est dans la merde. On le sait. Arretez aussi de nous dire que la crise va mieux pour nous dire qu'elle est repartie deux jours plus tard. Si vous ne savez pas, si l'évolution est minime, n'en parlez pas. Ca nous va bien d'entendre parler des autres pays, des disputes entre partis...

aux recruteurs: svp envoyez une réponse. ça vous prendra dix minutes. Et nous on sait enfin a quoi s'attendre. Et si vous faites partie des enflures de recruteurs qui publient des offres alors qu'il n'y en a pas, réalisez deux minutes, regardez vous dans un miroir. Parce que sincèrement vous me dégoutez si vous êtes capables de placer vos enquêtes avant les dizaines de gens qui répondent... pour rien.
aux amis / parents / collegues : essayez d'être légers. On va s'en sortir, et on fait déjà de notre mieux. Alors arrêtez de faire genre qu'on n'a pas pensé a la solution idéale à laquelle vous vous avez pensé, arrêtez de nous demander ou ça en est. Si on trouve, on enverra un faire part.

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